Page:Cyvoct - Souvenirs de madame Recamier.djvu/43

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Chateaubriand ne l’ayant pas donné tout entier :

« La veille du jour où ma tante devait venir me chercher, je fus conduite dans la chambre de Mme l’abbesse pour recevoir sa bénédiction. Le lendemain, baignée de larmes, je venais de franchir la porte que je me souvenais à peine d’avoir vue s’ouvrir pour me laisser entrer, je me trouvai dans une voiture avec ma tante, et nous partîmes pour Paris. — Je quitte à regret une époque si calme et si pure pour entrer dans celle des agitations ; elle me revient quelquefois comme dans un vague et doux rêve, avec ses nuages d’encens, ses cérémonies infinies, ses processions dans les jardins, ses chants et ses fleurs.

« Si j’ai parlé de ces premières années, malgré mon intention d’abréger tout ce qui m’est personnel, c’est à cause de l’influence qu’elles ont souvent à un si haut degré sur l’existence entière : elles la contiennent plus ou moins. C’est sans doute à ces vives impressions de foi reçues dans l’enfance que je dois d’avoir conservé des croyances religieuses au milieu de tant d’opinions que j’ai traversées. J’ai pu les écouter, les comprendre, les admettre jusqu’où elles étaient admissibles, mais je n’ai point laissé le doute entrer dans mon cœur. »

Avec M. et Mme Bernard était venu s’établir à Paris un ami, un camarade d’enfance de M. Ber-