Page:Cyvoct - Souvenirs de madame Recamier.djvu/44

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nard, veuf dès lors et qui, à dater de cette époque, ne sépara plus son existence de celle du père de Juliette : ils eurent, pendant plus de trente ans, même maison, même société, mêmes amis. M. Simonard formait d’ailleurs un contraste à peu près complet avec M. Bernard. Il avait autant de vivacité que son ami avait de lenteur et d’apathie, beaucoup d’esprit, de culture intellectuelle, une âme dévouée : mais autant ses affections étaient vives et fidèles, autant ses antipathies étaient fortes, et il ne prenait nul souci de les dissimuler. Épicurien très-aimable et disciple de cette philosophie sensualiste qui avait si fort corrompu le XVIIIe siècle. Voltaire était son idole, et les ouvrages de cet écrivain, sa lecture favorite. D’ailleurs, aristocrate et royaliste ardent, homme plein de délicatesse et d’honneur. Dans l’association avec le père de Juliette, M. Simonard était à la fois l’intelligence et le despote ; M. Bernard, de temps en temps, se révoltait contre la domination du tyran dont l’amitié et la société étaient devenues indispensables à son existence ; puis, après quelques jours de bouderie, il reprenait le joug, et son ami, l’empire, à la grande satisfaction de tous deux. M. Simonard mourut un peu avant son ami, et, comme lui, dans un âge fort avancé. Il conserva jusqu’au bout de sa carrière ses goûts d’homme du monde, de gourmand aimable et de généreux ami.