Page:Cyvoct - Souvenirs de madame Recamier.djvu/45

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Atteint par la maladie dans la plénitude de son intelligence, il demanda un prêtre, reçut avec respect et recueillement les derniers sacrements de la religion et fit une mort édifiante dont nous fûmes consolés sans en être surpris : en effet, les doctrines de Voltaire n’avaient faussé que son esprit ; son cœur était resté bon et charitable.

À l’époque où Juliette arriva à Paris pour ne plus quitter sa mère, rien n’était déjà plus charmant et plus beau que son visage, rien de plus gai que son humeur, rien de plus aimable que son caractère. Le fils de M. Simonard, qui était du même âge qu’elle, devint l’ami et le camarade de ses jeux. Voici une petite anecdote de leur enfance que j’ai entendu conter à Mme Récamier :

L’hôtel que M. Bernard habitait rue des Saints-Pères, 13, avait un jardin dont le mur, mitoyen avec la maison voisine, séparait les deux propriétés. Ce mur avait à son sommet une ligne de dalles plates qui formaient une sorte d’étroite terrasse sur laquelle il était facile de marcher. Simonard grimpait sur ce mur, y faisait grimper sa petite compagne et la roulait en courant sur le haut du mur dans une brouette. Ce dangereux plaisir les divertissait infiniment l’un et l’autre. Le jardin du voisin possédait de très-beaux raisins en espalier le long de la muraille ; les deux enfants les convoitèrent longtemps, et Simonard se hasarda à en