Page:Cyvoct - Souvenirs de madame Recamier.djvu/50

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merce le conduisirent souvent en Espagne : aussi parlait-il et écrivait-il l’espagnol comme sa propre langue. Il savait bien le latin : quand je l’ai connu, il aimait encore à citer des vers d’Horace ou de Virgile, et le faisait à propos. Sa correspondance commerciale passait pour un modèle ; il avait été beau, ses traits étaient accentués et réguliers, ses yeux bleus ; il était blond, grand et vigoureusement constitué. Il serait difficile d’imaginer un cœur plus généreux que le sien, plus facile à émouvoir et en même temps plus léger. Qu’un ami réclamât son temps, son argent, ses conseils, M. Récamier se mettait avec empressement à sa disposition ; que ce même ami lui fût enlevé par la mort, à peine lui donnait-il deux jours de regrets. « Encore un tiroir fermé, » disait-il, et là s’arrêtait sa sensibilité. Toujours prêt à donner, serviable au dernier point, bon compagnon, d’humeur bienveillante et gaie, optimiste à l’excès, il était toujours content de tout et de tous ; il avait de l’esprit naturel et beaucoup d’imprévu et de pittoresque dans le langage ; il contait bien.

Confiant jusqu’à l’imprudence, il poussait la longanimité et l’indulgence jusqu’à discerner à peine la valeur morale des individus avec lesquels il était en rapport. Il avait cette parfaite politesse, habituelle parmi les hommes de sa génération ; elle était chez lui le résultat d’un grand usage du