Page:Cyvoct - Souvenirs de madame Recamier.djvu/51

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monde et d’un désir sincère d’être agréable aux autres. Placé par sa fortune à la tête des hommes de finance, à Paris, il n’eut jamais la moindre sottise, recevant les plus grands seigneurs sans embarras et les pauvres gens sans hauteur. M. Récamier avait malheureusement des mœurs légères, et il préférait souvent une société facile et subalterne à celle de ses égaux. Généreux pour tous, il était la providence de sa famille et en était adoré. Lorsqu’au sortir de la Terreur, il fut en pleine possession de sa grande existence financière, une armée de neveux, logés chez lui, employés et appointés par lui, trouvaient dans son hospitalière et opulente maison tous les agréments de la vie.

Lorsqu’il demanda, en 1793, la main de Juliette Bernard dont il voyait depuis deux ou trois ans se développer la merveilleuse beauté, il avait lui-même quarante‑deux ans, et elle n’en avait que quinze. Ce fut pourtant très-volontairement, sans effroi ni répugnance, qu’elle agréa sa recherche. Mme Bernard crut devoir faire à sa fille toutes les objections que dictaient assez la différence des âges et celle des goûts et des habitudes qui devait en résulter ; mais Juliette voyait venir M. Récamier depuis plusieurs années chez ses parents, il avait toujours été prévenant et gracieux pour son enfance, elle avait reçu de lui ses plus belles poupées, elle ne douta pas qu’il ne dut être un mari plein de