Page:Cyvoct - Souvenirs de madame Recamier.djvu/52

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complaisance ; elle accepta sans la moindre inquiétude l’avenir qui lui était offert. Ce lien ne fut, d’ailleurs, jamais qu’apparent ; Mme Récamier ne reçut de son mari que son nom. Ceci peut étonner, mais je ne suis pas chargée d’expliquer le fait ; je me borne à l’attester, comme auraient pu l’attester tous ceux qui, ayant connu M. et Mme Récamier, pénétrèrent dans leur intimité. M. Récamier n’eut jamais que des rapports paternels avec sa femme ; il ne traita jamais la jeune et innocente enfant qui portait son nom que comme une fille dont la beauté charmait ses yeux et dont la célébrité flattait sa vanité. Ils se marièrent à Paris le 24 avril 1793.

Le mariage de Mlle Bernard avait donc lieu en pleine Terreur, à l’époque la plus sinistre de la révolution, l’année même du meurtre du roi et de la reine. À ce moment toutes les habitudes de la société étaient rompues, toutes les relations anéanties ; l’unique souci de chacun consistait à se faire oublier pour échapper, s’il le pouvait, à la mort qui frappait incessamment parmi ses amis et ses proches. La vie s’écoulait dans une sorte de stupeur, qui seule peut expliquer l’absence de toute tentative de résistance à ce régime de bourreaux. Je tiens de M. Récamier qu’il allait presque tous les jours assister aux exécutions. Il avait été ainsi témoin du supplice du roi, il avait vu périr la reine, il avait vu guillotiner les fermiers généraux, M. de Laborde,