Page:Cyvoct - Souvenirs de madame Recamier.djvu/53

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banquier de la cour, tous les hommes avec lesquels il était en relations d’affaires ou de société : et quand je lui exprimais ma surprise qu’il se condamnât à un aussi horrible spectacle, il me répondait que c’était pour se familiariser avec le sort qui vraisemblablement l’attendait, et qu’il s’y préparait en voyant mourir.

M. Récamier échappa néanmoins, ainsi que la famille de sa femme, au couteau révolutionnaire et on attribua ce bonheur, en grande partie, à la protection de Barrère. Quatre années s’écoulèrent de la sorte sans que j’aie à enregistrer aucun événement important dans la vie de Mme Récamier. Cependant le règne de la Terreur avait cessé, l’ordre s’essayait à renaître, les existences se reconstituaient, les émigrés commençaient à rentrer, et la société française, incorrigible dans sa frivolité, se jetait à corps perdu, au sortir des prisons, de l’exil, de la ruine et des échafauds, dans le tourbillon des plaisirs.

Mme Récamier resta tout à fait étrangère au monde du Directoire et n’eut de relation avec aucune des femmes qui en furent les héroïnes : Mme Tallien, et quelques autres. Plus jeune que ces dames de plusieurs années, et protégée par l’auréole de pureté qui l’a toujours environnée, pas une de ces femmes ne vint chez elle et elle n’alla chez aucune d’elles.

Sa beauté avait en ce peu d’années achevé de s’épanouir, et elle avait en quelque sorte passé de