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L’autre circonstance se produisit à la promenade de Longchamps.

La vogue extrême de cette promenade tend à disparaître, et d’ici à quelques années nos neveux ne sauront plus ce que c’était. Dans mon enfance, Longchamps avait encore sa signification et son importance : on renouvelait ses équipages, ses chevaux, ses livrées, les modes de printemps s’arboraient à Longchamps. Les femmes, dans leurs plus fraîches et plus élégantes toilettes du matin, rivalisaient trois jours, le mercredi, le jeudi et le vendredi saints de chaque année, de beauté et de bon goût dans leurs ajustements.

C’était depuis la place de la Concorde jusqu’à l’arc de l’Étoile, et au delà, un brillant encombrement de voitures à deux ou à quatre chevaux, d’hommes à cheval, de piétons circulant dans les contre-allées, ou de badauds assis sur le bord de la grande avenue des Champs-Elysées, saluant, admirant ou critiquant les riches et les élégants du siècle emportés dans de somptueux équipages au milieu d’un tourbillon de poussière et de soleil. Dans la semaine sainte de 1801, par une belle matinée de printemps, Mme Récamier se rendit avec d’autres femmes de sa famille à Longchamps dans une calèche découverte à deux chevaux. La voiture, forcée d’aller au pas, permettait à la foule de voir et d’admirer sa figure, que la splendeur du jour et la vivacité de la lumière