Page:Cyvoct - Souvenirs de madame Recamier.djvu/59

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fête triomphale en l’honneur et pour la réception du vainqueur de l’Italie. Cette solennité eut lieu dans la grande cour du palais du Luxembourg. Au fond de cette cour, un autel et une statue de la Liberté ; au pied de ce symbole, les cinq directeurs revêtus de costumes romains ; les ministres, les ambassadeurs, les fonctionnaires de toute espèce rangés sur des sièges en amphithéâtre ; derrière eux, des banquettes réservées aux personnes invitées. Les fenêtres de toute la façade de l’édifice étaient garnies de monde ; la foule remplissait la cour, le jardin et toutes les rues aboutissant au Luxembourg. Mme Récamier prit place avec sa mère sur les banquettes réservées. Elle n’avait jamais vu le général Bonaparte, mais elle partageait alors l’enthousiasme universel, et elle se sentait vivement émue par le prestige de cette jeune renommée. Il parut : il était encore fort maigre à cette époque, et sa tête avait un caractère de grandeur et de fermeté extrêmement saisissant. Il était entouré de généraux et d’aides de camp. À un discours de M. de Talleyrand, ministre des affaires étrangères, il répondit quelques brèves, simples et nerveuses paroles qui furent accueillies par de vives acclamations. De la place où elle était assise, Mme Récamier ne pouvait distinguer les traits de Bonaparte : une curiosité bien naturelle lui faisait désirer de les voir ; profitant d’un moment où Barras répondait longue-