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adressée à son mari et à elle pour un dîner à Bagatelle chez M. Sapey. Parmi les invités de ce dîner se trouva Lucien Bonaparte. Dès le premier moment qu’il vit Mme Récamier, il ne dissimula point la vive impression que lui causait sa beauté ; présenté à elle, il l’accompagna après le dîner dans une promenade à travers les jardins de Bagatelle, et le soir au moment où elle allait se retirer, il sollicita et il obtint la permission de la voir chez elle à Clichy : il y accourut dès le lendemain.

Lucien Bonaparte avait alors vingt-quatre ans ; ses traits, moins caractérisés que ceux de Napoléon auquel il ressemblait, avaient pourtant de la régularité. Il était plus grand que son frère ; son regard était agréable, bien qu’il eût la vue basse, et son sourire, était gracieux. L’orgueil d’une grandeur naissante perçait dans toutes ses manières, tout en lui visait à l’efffet ; il y avait de la recherche et point de goût dans sa mise, de l’emphase dans son langage et de l’importance dans toute sa personne.

La passion que Lucien Bonaparte avait conçue pour Mme Récamier se développa rapidement, et il ne tarda pas à chercher un moyen de la lui exprimer. Il y a dans l’extrême jeunesse et l’innocence, lorsqu’elle est réelle, quelque chose qui impose aux plus hardis. Mme Récamier non-seulement n’avait jamais aimé, mais c’était la première fois qu’elle se voyait l’objet d’un sentiment