passionné. En recevant une première lettre d’amour, elle fut d’abord un peu troublée, mais presque aussitôt l’instinct de sa dignité de femme et la complète indifférence qu’elle éprouvait lui révélèrent la ligne de conduite à suivre.
Lucien avait donné à sa déclaration d’amour le voile d’une composition littéraire. Juliette résolut de ne point paraître comprendre l’intention de la lettre de Roméo : elle la rendit le lendemain en présence de beaucoup de monde, en louant le talent de l’auteur, mais en l’engageant à se réserver pour des destinées plus hautes et à ne pas perdre à des œuvres d’imagination un temps qu’il pouvait plus utilement consacrer à la politique. Lucien ne fut pas découragé par l’insuccès de sa fiction romanesque ; il renonça seulement à se servir d’un nom d’emprunt, et il adressa à Mme Récamier des lettres dans lesquelles il peignit directement son ardente passion. Elle crut alors ne pouvoir faire autre chose que de montrer ces lettres à son mari en réclamant pour sa jeunesse les conseils et l’appui de l’homme dont elle portait le nom ; elle voulait fermer sa porte à Lucien Bonaparte, et elle en fit la proposition à M. Récamier. Celui-ci loua la vertu de sa jeune femme, la remercia de la confiance qu’elle lui témoignait, l’engagea à continuer d’agir avec la prudence et la sagesse dont elle venait de faire preuve ; mais il lui représenta que fermer sa porte au frère