Page:Cyvoct - Souvenirs de madame Recamier.djvu/70

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Ces lettres ne sont point le fruit, d’un long travail, et je ne les dédie point à l’immortalité. Ce n’est point à l’éloquence et au génie qu’elles doivent le jour, mais à la passion la plus vraie ; ce n’est point pour le public qu’elles, sont écrites, mais pour une femme chérie… Elles décèlent mon cœur : c’est une glace fidèle où j’aime à me revoir sans cesse ; j’écris comme je sens, et je suis heureux en écrivant. Puissent ces lettres intéresser celle pour qui j’écris !!! puisse-t-elle m’entendre !!! puisse-t-elle se reconnaître avec plaisir dans le portrait de Juliette et penser à Roméo avec ce trouble délicieux qui annonce l’aurore de la sensibilité !!!


PREMIÈRE LETTRE DE ROMÉO À JULIETTE.
« Venise, 27 juillet.

« Roméo vous écrit, Juliette ; si vous refusiez de le lire, vous seriez plus cruelle que nos parents dont les longues querelles viennent de s’apaiser : sans doute ces affreuses querelles ne renaîtront plus.

« Il y a peu de jours, je ne vous connaissais encore que par la renommée ; je vous avais aperçue quelquefois dans les temples et dans les fêtes ; je savais que vous étiez la plus belle : mille bouches me répétaient vos éloges, mais ces éloges, et vos attraits m’avaient frappé sans m’éblouir… Pour-