Page:Cyvoct - Souvenirs de madame Recamier.djvu/72

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« Depuis deux jours retiré à la campagne, votre idée m’y a occupé sans cesse : ces deux jours ont suffi pour m’éclairer sur ma position, et je me suis jugé.

« Je vous envoie le résultat de mes tristes réflexions, et je vous prie de les lire… c’est la dernière lettre que vous recevrez de moi.

« L. B.

« Un ridicule est plus dangereux qu’un crime, lorsque surtout il se rapporte à un homme public sur qui la critique exerce avec tant de plaisir sa maligne influence.

« Fuis Juliette, — évite le ridicule, — adoucis ton malheur par la philosophie. »

« Amour‑propre, raison protectrice, j’entends votre oracle : je m’y soumets avec douleur, mais celui qui ne sait pas se vaincre soi-même ne mérite point l’estime de ses concitoyens… oui, je vous entends. — Je fuirai Juliette, mais je l’aimerai toujours. — Je lui écrirai tout ce que je sens pour elle… Si elle est inébranlable, elle oubliera ma lettre et mon image, et j’éviterai sa présence. — Mais si elle répondait à mes plaintes par un sourire enchanteur, oh ! je ne puis plus répondre de moi-même. Je préférerais mes fers à la liberté que vous m’offrez aujourd’hui.