trait assez fréquemment chez Mme de Staël ; elle lui fit un signe de tête amical. Le salut fut rendu avec un extrême empressement, mais avec une nuance de surprise ; à l’instant même Juliette eut conscience de sa méprise et reconnut le premier consul. L’impression qu’elle éprouva en le revoyant ce jour-là fut tout autre que celle qu’elle avait ressentie à la séance du Luxembourg, et elle s’étonnait de lui trouver un air de douceur fort différent de l’expression qu’elle lui avait vue alors. Dans le même moment, Napoléon adressait quelques mots à Fouché qui était auprès de lui, et comme son regard restait attaché sur Mme Récamier, il était clair qu’il parlait d’elle. Un peu après, Fouché vint se placer derrière le fauteuil qu’elle occupait, et lui dit à demi-voix : « Le premier consul vous trouve charmante. »
L’attention à la fois respectueuse et toute pleine d’admiration que lui témoigna dans cette soirée l’homme dont la gloire commençait à remplir le monde la disposait elle-même à le juger favorablement ; la simplicité de ses manières en contraste avec les façons toujours théâtrales de Lucien la frappa. Il tenait par la main une fille de Lucien, de quatre ans au plus, et tout en causant avec les personnes qui l’entouraient, il avait fini par ne plus penser à l’enfant, dont il ne lâchait point la main ; l’enfant, ennuyé de sa captivité, se mit à pleurer : « Ah ! pauvre petite, dit le premier consul avec un