vif accent de regret, je t’avais oubliée. » Plus d’une fois dans les années qui suivirent. Mme Récamier se rappela cet accès d’apparente bonhomie, et le contraste qu’il offrait avec la dureté des procédés dont elle fut témoin ou victime.
Lucien s’étant approché de Mme Récamier, Napoléon, qui était au courant des assiduités de son frère, dit assez haut et avec bonne grâce : « Et moi aussi, j’aimerais bien aller à Clichy. »
On annonça que le dîner était servi. Napoléon se leva et passa seul et le premier, sans offrir son bras à aucune femme ; on se plaça à table à peu près au hasard ; Bonaparte était au milieu de la table, sa mère Mme Lætitia se mit à sa droite : de l’autre côté, à sa gauche, une place restait vide que personne n’osait prendre. Mme Récamier, à laquelle Mme Racciocchi avait adressé en passant dans la salle à manger quelques mots qu’elle n’avait point entendus, s’était placée du même côté de la table que le premier consul, mais à plusieurs places de distance. Alors Napoléon se tourna avec humeur vers les personnes encore debout, et dit brusquement à Garat en lui montrant la place vide auprès de lui : « Eh bien. Garât, mettez-vous là. »
Dans le même instant, Cambacérès, le second consul, s’asseyait auprès de Mme Récamier ; Napoléon dit alors assez haut pour être entendu de tous : « Ah ! ah ! citoyen consul, auprès de la plus belle ! »