Page:Cyvoct - Souvenirs de madame Recamier.djvu/94

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camier et les nombreux neveux qui habitaient chez lui étaient loin d’être aussi bien traités ; aussi n’avaient-ils point pour M. de La Harpe, et surtout les jeunes gens, la même bienveillance que Juliette ; ils se moquaient de sa gourmandise, et, le trouvant souvent dépourvu d’indulgence, croyaient peu à la bonne foi de sa dévotion. M. Sainte-Beuve a conté d’une façon charmante une aventure qu’il tenait de Mme Récamier, et qui s’était passée au château de Clichy : je lui emprunte ce joli récit de la plaisanterie, un peu risquée d’ailleurs, que quelques étourdis s’étaient permise et qui tourna toute à l’honneur de M. de La harpe.

« C’était au château de Clichy où Mme Récamier passait l’été : La Harpe y était venu pour quelques jours. On se demandait (ce que tout le monde se demandait alors) si sa conversion était aussi sincère qu’il le faisait paraître, et on résolut de l’éprouver. C’était le temps des mystifications, et on en imagina une qui parut de bonne guerre à cette vive et légère jeunesse. On savait que La Harpe avait beaucoup aimé les dames, et c’avait été un de ses grands faibles. Un neveu de M. Récamier, neveu des plus jeunes et apparemment des plus jolis, dut s’habiller en femme, en belle dame, et, dans cet accoutrement, il alla s’installer chez M. de La Harpe, c’est-à-dire dans sa