Page:Cyvoct - Souvenirs de madame Recamier.djvu/96

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reuse, mais cela ne le guérissait point de son humeur mariante. Il connaissait de vieille date une Mme de Longuerue, veuve, sans fortune, chargée de deux enfants : un fils et une fille fort belle, âgée de vingt-trois ans. La demoiselle était difficile à établir attendu la pauvreté de sa famille ; M. Récamier eut l’idée de la faire épouser à M. de La Harpe. Ce malencontreux mariage se fit, malgré la répugnance que ressentait à l’accepter une fille jeune, qu’un nom célèbre ne pouvait consoler de lier son sort à un homme d’un âge si différent du sien. Mais la mère cacha avec soin cette disposition à M. de La Harpe, et entraîna sa fille. Cette union, conclue le 9 août 1797, ne dura point et ne pouvait durer.

Au bout de trois semaines, Mlle de Longuerue déclarait que sa répugnance était invincible et demandait le divorce. Le pauvre M. de La Harpe, vivement blessé dans son amour-propre et dans sa conscience, se conduisit en galant homme et en chrétien : il ne pouvait se prêter au divorce interdit par la loi religieuse, mais il le laissa s’accomplir, et il pardonna à la jeune fille l’éclat et le scandale de cette rupture. J’ai toujours entendu dire à Mme Récamier que les procédés, le langage, les sentiments qu’il fit entendre et voir dans cette pénible affaire avaient été pleins de modération, de droiture et de sincère humilité. Cependant, et comme pour rendre l’aventure plus dure, la demande en divorce de