Page:D'Hervey de Saint-Denys - Les Rêves et les moyens de les diriger, 1867.djvu/182

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tournée vers son frère, comme pour lui en témoigner sa surprise, elle ne l’aperçut plus, mais vit défiler silencieusement au fond du salon une longue file de soldats qui semblaient autant d’ombres à demi effacées. Le souvenir de la perte de son frère lui revint alors tout à coup à la mémoire. Elle en ressentit une émotion très vive et se réveilla en sursaut.

La dame qui avait eu ce rêve n’en parlait jamais sans éprouver encore une sorte de terreur qui tenait à la nature des impressions qu’il avait ravivées, en même temps qu’à certaines idées d’intervention mystérieuse dont il avait fait naître l’appréhension dans son esprit. Pour moi, qui n’y vois que l’enchaînement d’une série de réminiscences parfaitement conforme aux lois ordinaires de l’association des idées, je le cite précisément comme un exemple de la lucidité inégale qui règne et qui doit régner dans les divers éléments d’une même vision. Cette dame se croit devant son piano, voilà le point de départ ; son frère s’y asseyait jadis auprès d’elle ; le souvenir de ce frère est tout naturellement évoqué ; l’image lui en apparaît claire et nette ; car c’est une image fortement gravée dans sa mémoire. De l’officier en uniforme à l’inspiration d’une marche militaire qu’elle a souvent entendue de loin, de soldats qu’elle a dû voir aussi de loin défiler à quelque revue la liaison ne saurait