Page:D'Hervey de Saint-Denys - Les Rêves et les moyens de les diriger, 1867.djvu/46

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À mesure que le corps s’engourdit, à mesure que la réalité s’oublie, l’esprit entrevoit de plus en plus distinctement les images sensibles des objets qui l’occupent. Si l’on pense à quelque personne ou à quelque site, le visage, les vêtements, les arbres ou les maisons qui font partie de ces images cessent peu à peu de n’être que des silhouettes confuses, pour se dessiner et se colorer de plus en plus nettement. Je demanderai même, entre parenthèses, à tous ceux qui connaissent les insomnies et qui attendent parfois le sommeil avec impatience, s’ils n’ont pas remarqué souvent que ce sommeil tant désiré est enfin bien proche, dès qu’ils commencent à distinguer des visions un peu nettes, dans leurs assoupissements momentanés. C’est que ces assoupissements avec visions claires étaient déjà des instants de sommeil véritable. La transition s’opère de la rêverie simple au rêve le plus lucide sans que pour cela l’enchaînement des idées soit aucunement interrompu.

Mais, pourra-t-on me demander, comment expliquerez-vous ces rêves incohérents, monstrueux, bizarres, informes, dont aucun type n’a pu se rencontrer dans la vie réelle, ni laisser par conséquent dans la mémoire son cliché-souvenir ? Cet enchaînement d’idées tout naturel que nous constatons dans la rêvasserie, et que vous nous dites être le songe lui-même, n’en paraît contenir aucun élément.