Page:D'Hervey de Saint-Denys - Les Rêves et les moyens de les diriger, 1867.djvu/480

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pratiquant lui-même, m’a rapporté le fait que voici : Une nuit qu’il rêvait d’une manière très lucide, et qu’il se croyait devant son chevalet, travaillant à un sujet religieux en cours d’exécution dont il était alors réellement préoccupé, il vit entrer dans son atelier un inconnu d’allures magistrales, qui lui enleva sa palette et ses brosses, effaça la moitié des figures ébauchées, modifia celles qui restaient, en ajouta d’autres, et transforma en un mot tout l’ensemble du tableau. En un clin d’œil, la toile fut merveilleusement recouverte et le peintre fantastique eut disparu. Quant au muet admirateur de cette improvisation si rapide, il eut le sentiment d’avoir contemplé longtemps l’œuvre achevée avant de s’éveiller.

L’artiste qui avait fait ce rêve ne put, comme le compositeur Tartini, retrouver sa composition tout entière, la forme d’un contour ne se grave point dans la mémoire avec la précision d’un accord ; mais il n’en sut pas moins tirer un très heureux parti de la vision qu’il avait eue ; il doit ainsi l’une de ses meilleures toiles aux inspirations de son sommeil.

* * * Le sommeil nous enlève-t-il notre libre arbitre ? Y a-t-il contradiction entre le fait de pouvoir évoquer ou diriger parfois ses rêves, et celui de se sentir quelquefois aussi entraîné à rêver ce qu’on ne voudrait pas ?