Page:D'Hervey de Saint-Denys - Les Rêves et les moyens de les diriger, 1867.djvu/490

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criait que ce souhait désespéré ne serait pas non plus exaucé. À de rares intervalles, je faisais un vague retour sur moi-même. Je comprenais que j’avais le cerveau troublé, mais sans savoir si c’était momentanément ou pour toujours. L’horrible pensée m’assaillait que peut-être j’étais fou, et qu’en prenant soin de prolonger ma vie l’aveugle sollicitude de ma famille prolongerait aussi pour moi le supplice de cette fantasmagorie infernale.

« Et jamais je ne pourrais faire connaître ce que j’éprouve, puisque j’étais pour ainsi dire isolé du monde réel.

« Un moment, je crois me souvenir que je me suis vu déjà dans un état analogue, et que j’avais découvert un moyen d’y échapper. Je fais un énorme effort pour retenir cette idée, pour l’élucider, pour me rappeler ; mais un tel effort me cause au cerveau une douleur atroce, et, conception bizarre, je crois voir l’idée que j’aurais voulu retenir sous la forme d’une espèce de sangsue qui tentait vainement de s’accrocher sanglante aux parois intérieures de mon crâne, tandis qu’une force irrésistible l’arrachait et l’obligeait à rouler avec d’autres dans un tourbillon général.

« Ici, quelques lacunes. Des images et des scènes humiliantes se succèdent. Je me vois, par exemple, avec des décorations et un uniforme, à pied, au milieu d’une place malpropre encombrée de balayeurs et de gens avinés qui me couvrent de sarcasmes et de boue. Ou bien, je m’imagine avoir volé quelque bagatelle sous l’empire d’une hallucination inexplicable ; et Ton me traîne en prison, et tous les gens à l’opinion desquels je puis tenir semblent s’être donné rendez-vous pour me voir passer. Je suis cependant parvenu à m’éloigner. J’ai fait en courant un chemin énorme. Je suis arrivé aux barrières d’une ville où j’espère trouver un asile sûr.