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Page:D'Isle - Deux cœurs dévoués, 1875.djvu/289

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DEUX CŒURS DÉVOUÉS.

verrait se rouvrir ses beaux yeux qui la regardaient avec tant d’amour. C’était fini ! à jamais fini !…

Ô Béatrice ! heureuse femme, heureuse mère ! Dieu t’envoya dans cette seule douleur toutes les douleurs qu’il t’avait épargnées jusque-là ; baise encore ton fils glacé, presse-le sur ton cœur brûlant et désespéré. Il est bien mort, puisque l’ardeur de ta tendresse ne le ranimera pas ; demain on viendra te le prendre, et tu n’auras même plus cette ombre froide dans tes bras, mais une pierre de marbre pour te rappeler ton enfant.

Elle ne se dit pas tout cela : sa pauvre tête égarée ne savait plus rassembler ses pensées ; elle répéta seulement :

« J’avais un fils, je n’en ai plus ! »

Tout le jour et toute la nuit, quand le vieux curé vint allumer les cierges et réciter les prières des morts, elle resta devant le lit de René.

Rien ne put l’en arracher : tantôt elle se taisait ou répondait au curé machinalement ; tantôt elle éclatait en sanglots et recommençait à crier :

« René, mon enfant ! mon fils ! »

Puis elle redevenait muette et sans force.

À peu près à la même heure où, la veille, elle avait trouvé René mort, son mari, aidé du curé, parvint à l’éloigner de la chambre mortuaire ; il la ramena dans son appartement, l’étendit, avec