le marquis n’osait le dire. On avait voilé le portrait du jeune homme et fermé sa chambre.
Un jour Béatrice, errante et désœuvrée, ouvrit un album dans le salon ; elle tomba sur une page écrite par la main inhabile de René enfant ; il y avait ces mots :
« Quand j’étais tout petit, tu me portais sur ton cœur et tu me nourrissais de ton lait ; quand j’ai été plus grand, tu m’as enseigné ce qui est bien ; tu viens de me sauver la vie dans ma fièvre cérébrale ; tu as manqué de mourir pour moi. Quand je serai tout à fait un homme, c’est moi qui te soutiendrai, et je te ferai si heureuse, que tu voudras vivre toujours ! »
« Ô mon petit enfant ! s’écria-t-elle, Dieu ne l’a pas voulu ! »
Elle tendit l’album au marquis. Quand il eut lu, il la prit dans ses bras.
« Ma Béatrice, ma femme, mon amie, dit-il, nous restons seuls après ce que nous aimions ; je vis pour vous, tâchez de vivre pour moi. »
Elle sanglota longtemps sur son épaule ; puis l’embrassant :
« Oui, lui dit-elle ; mais nous parlerons de lui ! »
Au bout de ces huit jours, ses pauvres la revirent ; on s’écarta tristement devant ses pas ; on leva sur elle des yeux compatissants. Pour la pre-