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Page:D'Isle - Deux cœurs dévoués, 1875.djvu/294

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DEUX CŒURS DÉVOUÉS.

au fond de son cœur ce désespoir qui ajoutait encore au chagrin du marquis.

À partir de ce moment, elle essaya de sourire, reprit avec son mari les causeries d’autrefois, fut moins sombre et plus tendre. M. de Méligny crut que sa femme lui était rendue et que le ciel lui accordait encore quelques années d’existence.

Cora faisait espérer son retour pour le mois d’avril, Béatrice se hâta de revenir à Morancé : mais le mois d’avril se passa et sa fille n’arriva pas. Elle reprit ses promenades du soir et ses visites au tombeau de son fils ; sa santé semblait meilleure ; elle avait plus de force, de paix sur le visage ; les yeux du marquis s’y reposaient avec bonheur ; il ne voyait pas que ces sourires et cette résignation étaient l’effort d’une âme admirable, qui voulait lui cacher jusqu’aux appréhensions de sa perte. Un mal secret la dévorait ; dès le premier jour ; elle avait eu le pressentiment qu’elle ne saurait pas survivre à René. Que deviendrait alors le marquis, seul, frappé dans toutes ses affections ? Elle hâta autant que possible le retour de sa fille.

Elle éprouvait une fiévreuse impatience de la revoir. Peut-être espérait-elle que ses bras pouvaient l’arracher à la mort. À mesure que les jours passaient et que revenait l’époque à laquelle elle avait perdu René, elle s’affaiblissait insensiblement et répétait souvent à voix basse :