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Page:D'Isle - Deux cœurs dévoués, 1875.djvu/48

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DEUX CŒURS DÉVOUÉS.

« Est-ce que vous avez faim ? dit-elle ; car la compassion qu’elle éprouvait lui faisait oublier sa timidité ordinaire ; je partagerai bien volontiers mon pain avec vous.

— Ah ! dame ! si je ne craignais pas de vous priver, ça ne serait pas de refus ; car aussi vrai que j’ai une faim de loup-garou et que je m’appelle Pierre Rigault, j’ai une soif comme la faim ! Je peux toujours m’asseoir auprès de vous, n’est-ce pas ? »

En disant ces mots, Pierre Rigault jeta sa besace sur l’herbe et s’assit auprès de la petite Louise.

« Oui, dit Louise, vous avez l’air bien fatigué, l’ombre vous fera du bien et le pain aussi. »

Tout en parlant, Louise partagea inégalement son pain, présenta la plus grosse moitié à Rigault et garda l’autre.

Le jeune garçon ne se fit pas prier plus longtemps.

« Il faut que je vous explique, reprit-il en mangeant, que je ne suis pas un vagabond ; vous m’avez l’air d’une bien bonne petite fille, et je m’en vas vous dire ce qui m’amène dans le pays : je suis sabotier de mon état ; depuis longtemps je sabote et je ne suis pas trop maladroit. Mais à Tours, d’où je viens, j’avais un maître trop dur, qui me donnait plus de coups que d’argent,