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Page:D'Isle - Deux cœurs dévoués, 1875.djvu/49

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DEUX CŒURS DÉVOUÉS.

et ça ne me plaisait pas ; j’ai vu à la ville Mathurin Lesec, qui est sabotier à Morancé. Il voulait un garçon pour travailler chez lui, je me suis offert, j’ai ramassé quelques sous, j’ai fait mes adieux au patron et me voilà parti. Malheureusement, j’ai mal arrangé mes affaires ; je ne savais pas le prix des choses en voyage, moi, et dans l’auberge où j’ai couché, j’ai demandé une chambre et un bon souper ; on m’a donné tout ça, et puis le lendemain on m’a demandé trente sous ! En les donnant, il m’est resté à peine de quoi acheter du pain pour arriver jusqu’ici, en demandant seulement à coucher dans les granges, ce que j’aurais dû faire dès le premier jour. Enfin, depuis cinq heures du matin que je marche, j’ai gagné un bon appétit, mais je n’ai plus un sou !

— Je le pense bien, dit Louise ; aussi allez-vous emporter cet autre morceau de pain. Ce sera pour votre souper de ce soir.

— L’autre ! mais c’est votre part.

— Oh ! j’en avais déjà mangé un peu avant de vous voir, et puis je n’ai pas faim comme vous. Gardez-le, allez ! »

Rigault ne se fit pas trop prier.

« Allons, dit-il en fourrant le morceau de pain dans sa poche, il faut se remettre en route. Je vous remercie bien, mam’selle ; mais vous n’avez