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Page:D'Isle - Deux cœurs dévoués, 1875.djvu/92

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DEUX CŒURS DÉVOUÉS.

pendant qu’elle mettait son couvert ; il tomba sur une chaise accablé de fatigue.

« Rien murmura-t-il ; rien ! personne ne m’a payé !

— Qu’as-tu, mon Pierre ? dit Louise en se retournant.

— Ce que j’ai ? répondit Pierre ; le terme échoit dans trois jours et ils ne m’ont pas payé. J’ai été chez Jean Lubin, qui me doit huit paires de sabots, tant pour lui que pour ses filles ; chez le père Mathieu, qui n’est jamais content, et qui n’est pas plus exact au payement ; tout le monde, jusqu’à la nièce du médecin, qui veut des galoches en bois d’érable doublées de soie, tout le monde m’a dit : Repassez : Repassez : nous verrons plus tard… Si ce n’est pas indigne de renvoyer un père de famille sans un sou d’acompte !

— Calme-toi, mon ami, nous aviserons. Le propriétaire nous accordera bien quelques jours de répit ; tiens, mange ta soupe, ne te tourmente pas ; le bon Dieu ne nous abandonnera pas tant que nous espérerons en lui ; crois-le, mon homme, tu vois bien que jusqu’ici il nous a protégés.

— C’est vrai, ça, ma femme, reprit Pierre Rigault ; j’aime à t’écouter : tu me rends le courage, ma pauvre Louise ! Tu te fatigues pour les