Page:Délices royales, ou le Jeu des échecs 1864.djvu/41

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Ceux qui étaient éloignés apprirent ce que j’avais fait depuis l’aurore de ma vie encore humide de la rosée matinale. Le Seigneur me donna la langue des savants, et mes lèvres en prononçant ses paroles devinrent éloquentes. Et les hommes, voyant la beauté du livre, s’étonnèrent de ce que, parvenu au temps de la vieillesse et peut-être tout près de la mort, j’eusse écrit et composé ces pages, où j’enseigne la science du jeu et chante ses louanges.

Mais, quel est le bruit qui retentit à mes oreilles ? J’entends l’éclat d’une voix qui croit me dire de grandes choses : « Ô toi qui nous représentais la plus haute perfection de la vertu, toi qui étais comme assis sur le trône du Seigneur pour juger son peuple, le peuple des enfants d’Israël, qui venait apprendre la Loi de ta bouche, comment as-tu été changé ainsi en un autre homme ? comment ta gloire s’est-elle ainsi éclipsée ? Tu passes aujourd’hui pour un homme dont les actions attestent la démence, et tu as changé ton noble langage qui réjouissait Dieu et les hommes, pour écrire sur le Jeu et déshonorer ainsi ta plume ! Ceux qui verront ton ouvrage joueront et useront leur temps dans les vanités de ce monde, et l’on dira que c’est toi qui les as poussés dans cette mauvaise voie. » Et moi, sachant ce que sont les livres, j’ai examiné devant Dieu ces deux opinions contradictoires, et j’ai conclu que les hommes ne se ressem-