Page:Délices royales, ou le Jeu des échecs 1864.djvu/63

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rus (nom qu’on donne à tous les rois de Perse). Ce prince était cruel : comment calmer cette cruauté funeste ? L’auteur de ce jeu avait pour but, au moyen d’une parabole, de dévoiler son intention secrète, en se servant de sentences et de comparaisons. Il instruisit ce prince par des exemples, et, au moyen de comparaisons, il lui fit comprendre qu’il ne fallait pas être cruel envers son peuple et les brebis de son pâturage, mais au contraire qu’il fallait mettre un frein à ses passions et suivre la loi ; qu’il devait répandre sa miséricorde sur ses sujets, et savoir que la force d’un prince est dans son peuple, dans son armée et les généraux qui le défendent ; que, quand le secours fait défaut, la chute est inévitable et qu’aucune force ne peut le faire résister à ses ennemis. Ainsi donc il trouva ce jeu pour que le roi pût en tirer un avertissement et une leçon utile. Car, dans ce jeu, celui qui joue doit se proposer de défendre son peuple, pour ne pas succomber s’il lui fait défaut. Le peuple est la colonne sur laquelle se fixe la victoire ; si ses sujets meurent, il sera isolé, et quiconque le trouvera le tuera. Aussi il nomma ce jeu Chatrang[1], ce qui,

  1. « Chatrang, corruption du mot chaturanga, est composé de deux mots : chatur, quatre, et anga, un membre ; il s’applique à une armée composée de quatre espèces de forces : infanterie, cavalerie, éléphants et navires. »
    Comte de Basterot.