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Baudelaire se demandera, lui, ce qu’il trouverait à répondre à la tendre femme qui couva son enfance


Si, par une nuit bleue et froide de décembre,
Il la trouvait tapie en un coin de sa chambre…


Rencontre fortuite ? Imitation directe ? Je vois là bien plutôt la puissance mnémonique de vers lus et relus. Des lambeaux sont demeurés adhérents dans la mémoire. Un seul mot, émergeant du subconscient, en entraîne avec lui plusieurs autres, auxquels il fut lié déjà par le rythme et la rime. Décembre, tapir, chambre reviennent ici et dans l’ordre initial, comme des échos de Gautier fidèlement renvoyés par son lecteur Baudelaire.

On sait encore le parti que les Fleurs du Mal ont tiré de certaines images macabres, celle par exemple de la Mort coquette et multiforme qui se costume et se farde ainsi qu’ « une actrice fantasque » ; or, elle est dans la Comédie de la Mort au début de la deuxième partie : La Mort dans la Vie.

Après les strophes de ce poème, les terce rime de Ténèbres ont profondément marqué l’imagination de Baudelaire. Ténèbres est, d’ailleurs, un des beaux poèmes de Gautier. L’ouverture, large et sombre, est une sorte de largo funèbre :


Mon cœur, ne battez plus puisque vous êtes mort.