Page:Désaugiers - Chansons choisies, 1861.djvu/47

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On ne m’entendra pas crier
Peine, famine, ni misère,
Tant que j’aurai de quoi payer
Le vin que peut tenir mon verre.

Riche sans posséder un sou,
Rien n’excite ma jalousie ;
Je ris des mines du Pérou,
Je ris des trésors de l’Asie ;
Car sans sortir de mon taudis,
Grâce au seul Dieu que je révère,
Je vois et topaze et rubis
Abonder au fond de mon verre.

Tout nous atteste que le vin
De tous les maux est le remède,
Et les dieux n’ont pas fait en vain
Un échanson de Ganymède.
Je gage même que ces coups
Que l’homme attribue au tonnerre,
Sont moins l’effet de leur courroux
Que du choc bruyant de leur verre.

Chaque jour l’humide fléau
Des cieux ne rompt-il pas les digues ?
Si les immortels aimaient l’eau,
Ils n’en seraient pas si prodigues.
Et quand nous voyons par torrent
La pluie inonder notre terre,
C’est qu’ils rejettent en jurant
L’eau que l’on verse dans leur verre.

Le bon vin rend l’homme meilleur,
Car du monarque assis à table