Vit-on jamais le bras vengeur
Signer la perte d’un coupable ?
De son cœur le courroux banal
N’obscurcit plus son front sévère :
Armé du sceptre, il l’eût puni ;
Il lui pardonne, armé du verre.
Je ne sais par quel vertigo
Ou quelle suffisance extrême,
Narcisse, en se mirant dans l’eau,
Devint amoureux de lui-même.
Moi, fort souvent je suis atteint
De cette risible chimère,
Mais c’est lorsque je vois mon teint
Pourpré par le reflet du verre.
Dieu du vin, Dieu de l’univers,
Toi qui me fis à ton image,
Reçois ce tribut, de mes vers ;
Et, pour couronner ton ouvrage,
Fais, jusqu’à mes instants derniers,
Que dans ma soif je persévère,
Et qu’à ma mort mes héritiers
Ne trouvent plus rien dans mon verre.