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Une bave sanglante entre ses dents écume,
Dans son gosier éteint la foudre se rallume :
Tel qu’un feu vacillant qui, faible et sans chaleur,
Recueille en son foyer sa timide lueur,
Et perçant tout-à-coup le deuil qui l’environne,
Du plus brillant éclat au sein des nuits rayonne ;
Tel le monstre irrité de sa bouche de fer
Vomit en se roulant tous les feux de l’enfer ;
D’un hurlement pareil à ce cri lamentable
De la mort du grand Pan messager redoutable,
Il gémit, rend hommage au génie outragé,
Et s’écrie en tombant, Le grand homme est vengé !
Il meurt ; et les Romains traînent l’horrible idole
Comme ils traînaient les rois au pied du Capitole.

Dans le temple aussitôt, le char victorieux
S’avance, et mille cris font retentir les cieux,
Sur l’autel où du sage on pose la poussière
Le vieillard élevant le flambeau de Celliere :
Il n’est plus, nous dit-il, ce monstre audacieux
Qui rangeait sous ses lois et la terre et les cieux,
Qui de poignards sacrés armait la tyrannie,
Et jusques dans la tombe insultait au génie.
O vous qui de Voltaire accusiez les travaux,
Vous ses persécuteurs, vous ses lâches rivaux,
Vous qui le menaciez des vains foudres de Rome,
Venez voir en ce jour ce que peut un grand homme.
Français, que nos tributs accompagnent son deuil,
Mais que la flatterie épargne son cercueil.
N’offrons aux morts fameux que de justes hommages,
Et comme au bord du Nil jugeons ici les sages,