Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, V.djvu/212

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lettre, ainsi que de la mienne, bien entendu que ni l’une ni l’autre ne sortiront de vos mains ; mais le courrier presse en ce moment, et je ne veux pas différer votre plaisir. Adieu, mon cher ami ; j’espère toujours vous embrasser bientôt ; j’espère aussi que le même prince qui souscrit si dignement et si noblement pour votre statue, me mettra en état de faire ce voyage d’Italie, si indispensable pour ma santé. Je vous embrasse de tout mon cœur. Adieu, adieu ; il est bien juste que la philosophie et les lettres aient quelques consolations au milieu des persécutions qu’elles souffrent. Vale, vale. Tuus ex animo.


Paris, 11 auguste 1770.


Je ne pus, mon cher maître, vous envoyer par le dernier courrier copie de ma lettre au roi de Prusse et de sa réponse. Je vous envoie l’une et l’autre par celui-ci. Personne au monde n’a copie de ces deux lettres que vous, très peu de personnes même connaissent la mienne ; mais je ferai lire celle du roi de Prusse à tout ce que je rencontrerai. Cependant je serais très fâché que cette lettre fût imprimée, le roi en serait peut-être mécontent, et en vérité il se conduit trop dignement et trop noblement en cette occasion, pour lui donner sujet de se plaindre. J’espère donc, mon cher et illustre ami, que vous vous contenterez de faire part de cette lettre à ceux qui désireront de la voir, sans souffrir qu’elle sorte de vos mains. Je serais infiniment affligé si elle paraissait sans le consentement du roi, et vous m’aimez trop pour vouloir me faire tant de mal. J’espère aussi que vous ne manquerez pas d’écrire au roi de Prusse ; son procédé me paraît digne de votre reconnaissance, de la mienne et de celle de tous les gens de lettres. Adieu, mon cher et ancien ami ; je regarde comme un des plus heureux événements de ma vie le bonheur que j’ai eu de réussir dans cette négociation.

J’espère vous embrasser avant la fin de septembre, et vous dire encore une fois, avant que de mourir, combien je vous aime, je vous admire et je vous révère.


Paris, 12 auguste 1770.


Tous les honneurs, mon cher maître, vous viennent à la fois, et j’en suis ravi. Je lus hier à l’Académie Française la lettre du roi de Prusse, et elle arrêta d’une voix unanime que cette lettre serait insérée dans ses registres, comme un monument honorable pour vous et pour les lettres. Je donnerai à ce monument si flat-