Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, V.djvu/213

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teur pour vous, et même pour nous tous, toute la publicité qui dépendra de moi, à l’impression près, que je vous prie surtout d’éviter, parce que le roi de Prusse pourrait en être mécontent. Je me souviens que la czarine me fit des reproches dans le temps d’avoir laissé imprimer la lettre qu’elle m’avait adressée, et depuis ce temps j’ai fait vœu d’être extrêmement circonspect à cet égard.

À propos de la czarine, il faut, si vous désirez qu’elle souscrive, que Diderot lui en écrive ; car je ne saurais m’en charger, parce que vraisemblablement je ne serai pas à Paris dans un mois, et par conséquent hors de portée d’avoir sa réponse. Adieu, mon cher maître ; je vous embrasse de tout mon cœur, et compte toujours vous embrasser bientôt en réalité. Je ne doute pas que vous n’ayez déjà écrit au roi de Prusse, et je crois que vous devez aussi un petit mot de remerciement à l’Académie, que vous adresserez au secrétaire.


Paris, 3 janvier 1770.


Il y a dix jours, mon cher maître, que je suis ici ; j’y ai reçu trois de vos lettres, dont deux m’ont été renvoyées d’Aix et de Montpellier. J’y répondrai par ordre et en peu de mots, car il ne faut pas vous ennuyer de mon bavardage. Je ne doute point que Palissot ne soit à Genève pour y faire imprimer quelque satire contre la philosophie, et je lui dirai, comme les gens du peuple, j’en retiens part, tant ses satires me paraissent redoutables.

M. Dupaty était encore au secret quand j’ai repassé à Lyon ; j’appris hier qu’il était sorti de Pierre-Encise, et exilé à Roane en Forez. On n’en fera pas autant au réquisitorien que j’ai trouvé partout, à Lyon et à Montpellier, sans vouloir me rencontrer avec lui ; j’aurais pu lui dire, dans chaque ville où j’ai séjourné durant mon voyage :

....... Quoi, Pyrrhus, je te rencontre encore !
Trouverai-je partout un maraud que j’abhorre ?

On prétend que, dans son discours des Mercuriales, il a chanté la palinodie et fait réparation d’honneur aux gens de lettres ; mais personne n’est tenté de l’en remercier, non plus qu’un barbet qu’on a rossé et qui vient vous lécher les jambes.

Je ne chercherai point, mon cher ami, à me faire valoir auprès de vous, en vous laissant croire que j’ai écrit le premier au roi de Danemarck. Il est très vrai que ce prince m’a prévenu, sans même que je l’eusse fait solliciter par personne ; mais il ne