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Page:D’Anjou - Vagues d’amour, 1918.djvu/6

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Docile, il obéit.

Au fond du ciel, au nord-ouest, la brillante Véga venait de plonger sous l’horizon. Il était juste 3 heures du matin.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Au loin, dans une petite île, en face la côte, un ballon dégonflé, coiffant la nacelle, qui à chaque instant effleurait les vagues rondes, finit pourtant par arriver sur le sable. Le bruit sec d’une déchirure s’entendit, un petit bond souleva la pauvre loque puis ce fut l’arrêt définitif en grêve !…

II

Les Parisiens chasseurs


On était en Bretagne, à la Baule.

Presque toutes les villas étaient fermées, il ne restait plus que les propriétaires fidèles au poste et les fanatiques de la mer.

Pornichet et le Pouliguen offraient encore, en cette fin de saison, un peu d’animation, mais la Baule était endormie, Ses grandes voies étaient bordées de chalets déserts ; le vent y soufflait en maitre à travers les sapins, écho de la chanson des vagues. L’hôtel de la Plage gardait cependant quelques pensionnaires, toute une famille de Parisiens qui partaient par les beaux matins, en barque, à l’île des Evins, pour chasser, pêcher et respirer le grand air du large. C’était la famille Loustraye qui restait jusqu’à Noël. Aussi l’hôtesse et ses clients avaient-ils des égards réciproques les uns pour les autres.

— Monsieur de Loustraye, est-ce que vous allez ce matin à la chasse en mer ? Par ce froid ! |

— Sûrement, Madame notre hôtesse, sûrement. Allez-vous vous plaindre de mon approvisionnement, par hasard ?

Il riait et la maîtresse de l’hôtel de la Plage aussi.

Il ajouta :

— Seulement, je n’emmènerai pas ma femme ; notre petite Charlotte a toussé toute à nuit et Joseph ne vaut guère mieux. Ces terribles enfants ne peuvent entendre raison, ils s’échauffent et ensuite s’en vont au vent glacé. J’irai à l’ilot des Evins et je prendrai seulement mon fils aîné Albert. Il faut l’aguerrir, celui-là.

— Il veut toujours être marin ?

— Oui, ma chère dame, toujours, et je l’encourage dans cette voie, c’est la plus belle des carrières. Ah ! moi, si je n’étais pas marié et père de neuf enfants ! Je sais bien où je me balancerais à l’heure qu’il est.

— Sur les vagues…

— Oui, sur les vagues, j’adore la mer.

… de vos enfants, ajouta drôlement la maîtresse d’hôtel en s’en allant pour répondre au boucher qui apportait les provisions.

Le Parisien enfila un suroît de toile cirée, serré au poignets. Et comme Albert accourait, le père et le fils sortirent de l’hôtel, ouvrant ainsi la porte à une rafale qui éparpilla les journaux et dérangea les boucles grises de Mme l’hôtellière.

Les Parisiens trottèrent lestement jusqu’au port du Pouliguen et embarquèrent avec leur matelot, qu’Albert appelait Langouste parce qu’il avait de gros yeux à fleur de tête.

Ils montaient une barque pontée, gréée en sloop, bien d’aplomb à la lame et fine marcheuse. Ils l’appelaient Ricochette, attendu qu’elle sautait sur les vagues avec une grâce enchanteresse pour… les estomacs solides.

— Allons, mousse, tiens l’ « écoute », fit le père qui s’assit au gouvernail, et laisse-la filer aux bordées ; avec ce vent debout, nous avons un joli lacet à courir jusqu’à l’Île.

Le matelot, gravement, mâchait sa chique.

La crête des lames frisant le plat bord envoyait de l’écume aux navigateurs qui n’y prenaient nulle attention, tandis que la Ri-