posée, continue-t-il ; c’est un doute que j’ai émis et que je reproduis au sujet de l’opinion régnante (celle de Cuvier) ; j’ai pensé et je crois toujours que les temps d’un savoir véritablement satisfaisant en géologie ne sont pas encore venus. »
Cette dernière phrase, écrite en 1829, était parfaitement
motivée ; mais ce qui précède est tout à fait inexact ; car le
principe rappelé sur lequel Cuvier s’appuyait : « Les races actuelles
ne sont nullement des modifications de ces races anciennes
qu’on trouve parmi les fossiles ; les espèces perdues
ne sont pas des variétés des espèces vivantes ; » ce principe,
disons-nous, n’est pas une hypothèse ; ce sera une vérité tant
qu’on n’aura pas démontré les passages ou les variations. Il n’y
a rien ici de supposé, ni dans les causes, ni dans les résultats ;
c’est un fait, tandis que la proposition inverse est une pure
abstraction, une supposition qui n’est pas encore même démontrable.
Il n’y a donc aucune comparaison à établir entre les
deux manières de voir, quant à leur degré de certitude.
Is. Geoffroy Saint-Hilaire.
Voyons actuellement comment, vingt ans plus tard, le digne, émule et le bien regretté fils d’Étienne Geoffroy Saint-Hilaire envisageait ces mêmes questions. « La vie de l’espèce est une vie sans déclin, dit-il[1] ; non-seulement l’espèce, comme l’individu, est composée d’éléments sans cesse renouvelés ; mais la mobilité même de ces éléments réalise et entretient le type, ce même type sur lequel se modèle, à son tour, chaque individu, et elle n’exclut nullement l’identité. On pourrait dire aussi de l’espèce : vivre, c’est en même temps changer et demeurer sans cesse.
« Mais, ici, les analogies s’arrêtent, et une différence capitale se présente. L’individu ne varie pas seulement, à chaque instant, dans sa composition intime, mais aussi d’âge en âge, dans sa composition générale, dans son état, et, par suite, dans le mode ou le degré de son action vitale. Il naît, il progresse, il est à son apogée, il décline ; et, au terme de tous ces
- ↑ Histoire naturelle générale des règnes organiques, vol. II, p. 91, 1856.