Page:D’Argens - La philosophie du bon sens.djvu/420

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Si les Bêtes, dit-on, ſont capables, non-ſeulement de Sentiment, mais même de quelque Connoiſſance, il faut qu’elles aient auſſi deux Ames. Car, ſi elles n’ont que la ſenſitive, qui eſt répandue par tout le Corps, à meſure qu’on coupe un Membre de leur Corps, on coupe donc un Morceau de leur Entendement. On voit que des Animaux, qu’on a partagez en deux, ont également la Vie dans les deux Parties ſéparées. Si vous répondez, qu’ils n’ont qu’une Ame ſenſitive, vous conviendrez donc, qu’on peut la diviſer. Ainſi, on la détruit, on la diminue ; en ſorte qu’un Chien, à qui l’on a coupé une Jambe, doit avoir moins de Connoiſſance qu’un autre puiſqu’on a enlevé une Partie de ſon Ame : au lieu qu’un Homme, qui a perdu une Jambe, n’eſt point dans ce Cas ; parce qu’on a bien retranché les Eſprits animaux, ou cette Partie de l’Ame ſenſitive qui animoit ce Membre, mais qu’on n’a point touché à l’Ame raiſonnable.

Je répons à cela, qu’il n’eſt pas beſoin que les Chiens aïent deux Ames, pour avoir quelque Perception ; & qu’en retranchant les Eſprits vitaux à la Partie de l’Ame ſenſitive qui vivifioit la Jambe qu’on leur coupe, on ne diminue