Page:D’Haussonville - Souvenirs et mélanges.djvu/24

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comportait avec une grâce et une convenance exquises qu’entre ces femmes, la plupart si jeunes, quelques-unes si belles, et le petit nombre d’hommes admis dans leur intimité ; le ton le plus parfait ne cessait de régner. On affectait de s’affranchir de l’étiquette parce que la Reine le voulait. On faisait mine de la traiter comme toute autre femme, parce que c’était une manière détournée de lui faire sa cour ; mais le respect demeurait entier à travers cette familiarité de convention, et la retenue se faisait encore sentir sous ce feint abandon. La Reine seule parvenait à se faire illusion. Elle se félicitait avec une entière bonne foi d’avoir introduit à la Cour de France les usages de la débonnaire Autriche. Suivant mon père, dans ce cercle si réduit, composé de ses intimes les plus privés et les plus à sa dévotion, son attitude était celle d’une femme soigneuse de ses devoirs, attachée à son mari, que son intérieur trop grave incommodait un peu, et qui allait chercher au plus près et au moindre risque possible les distractions naturelles à son âge. Des hommes qui passaient pour aimables et qui étaient alors à la mode y furent peu à peu introduits. Ils étaient bien accueillis de la Reine ; mais aucun ne parut jamais avoir été particulièrement distingué par elle. Ainsi, beaucoup de laisser aller, pas mal d’étourderie, peut-être un peu de coquetterie, mais une coquetterie générale et sans but, nulle appa-