Page:D’Haussonville - Souvenirs et mélanges.djvu/25

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rence de manège, aucune ombre d’intrigue ; voilà tout ce qui apparut aux yeux de mon père. C’est dire qu’il n’a jamais ajouté foi aux attachements ou sérieux ou frivoles qu’on a prêtés à la reine Marie-Antoinette. Il traitait ces bruits de folies et de sottises. On le mettait de mauvaise humeur quand on paraissait y croire.

À l’âge de quatorze ans, mon père reçut pour ses étrennes un brevet de lieutenant dans le régiment d’Armagnac, et, à quinze ans, un brevet de capitaine dans le Mestre de Camp cavalerie. Ce brevet ne le dispensait ni de ses études ni de son précepteur. L’abbé l’accompagna au camp de Lunéville, commandé par mon grand-père, où mon père figura avec le grade et l’uniforme d’aide de camp. Au retour du camp et quoique toujours tenu de fort court, il eut un peu plus de liberté ; il fréquenta le monde, et vécut sans dissipation dans la meilleure compagnie de cette époque, au sein de cette société d’avant 89, qui se distinguait, sinon par de bien solides qualités, au moins par une certaine élégance de mœurs et d’esprit. Il ne pouvait manquer d’y plaire, car il y apportait ce qui attire à tous les âges la bienveillance : beaucoup de simplicité, d’ouverture de manières, de la gaieté et nulle prétention.

Cependant les approches de la Révolution se faisaient sentir ; les plus frivoles voyaient venir le moment où le sort de chacun allait dépendre de la tournure que prendraient les affaires publiques. Mon père, peu occupé