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Page:D’Indy - Beethoven, Laurens.djvu/103

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LUDWIG VAN BEETHOVEN

lardi. Cette fois, les Viennois, en dépit de la vogue de Rossini, lui préparent un triomphe sans précédent. C’est l’Adresse des Trente, c’est le désintéressement des artistes qui refusent leur cachet de répétitions : « Tout ce qu’on voudra pour Beethoven ! » ; c’est, malgré les terribles difficultés vocales qu’il s’obstine à ne pas modifier, l’enthousiasme de ses solistes, de la célèbre Sonntag, de Caroline Unger, et aussi de ce Preisinger qui savait par cœur toutes ses symphonies. Ce sont enfin les inoubliables journées des 7 et 23 mai 1824 où des foules frémissantes acclament le maître qui, hélas ! ne pouvait plus les entendre. Dans les rues de Vienne, tout le monde le salue ; les éditeurs s’arrachent ses œuvres ; l’annonce d’un nouveau quatuor suffit à remplir une salle ; les premiers violonistes de l’époque, Böhm, Mayseder, se disputent l’honneur de le jouer dans un de ces nombreux restaurants du Prater où les horloges à musique sonnent l’ouverture de Fidelio.

Sa résidence d’été devient un lieu de pèlerinage où se succèdent des visiteurs venus des quatre points cardinaux. Mais n’obtient pas qui veut audience du vieux lion au gîte. Il faut pour cela un visa de son État major, le General-lieutenant Steiner, et son Adjudant, le petit Tobias Hasslinger. Encore le Generalissimus Beethoven se réserve-t-il de décider en dernier ressort. Ces sobriquets facétieux lui servent à désigner les propriétaires du bureau d’édition de la rue Pater Noster, son pied-à-terre, sa boîte aux lettres à Vienne, pendant ses villégiatures d’été.

Qu’on imagine cette ruelle, à quelques pas du Graben. Il est quatre heures ; le soleil décline. Sur le trottoir, une cinquantaine de jeunes gens, artistes, com-