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CÉSAR FRANCK

lant, à une inféconde décadence. Si de grands spécialistes du piano avaient apporté à sa technique nouvelle d’ingénieux perfectionnements, si un Schumann trouvait, pour exprimer la poésie de son âme en de géniales piécettes, une écriture de piano plus orchestrale que son orchestre même et s’épandant en intimes et charmeuses sonorités, si un Liszt, démolissant d’un coup d’aile tout l’échafaudage du planisme classique, enrichissait l’instrument au moyen de combinaisons jusqu’alors insoupçonnées et donnait à la virtuosité un décisif essor, aucun maître n’avait toutefois apporté de nouveaux matériaux artistiques au monument beethovénien ; bref, si la technique et l’écriture du piano étaient devenues tout à fait transcendantes, la musique destinée à l’instrument seul avait plutôt dégénéré ; or, toute forme qui ne progresse point finit par s’atrophier et disparaître.

L’important mouvement créé en France par la Société Nationale de Musique n’avait produit qu’un très petit nombre de pièces intéressantes pour piano seul, toute son activité se portant vers l’orchestre ou la musique de chambre ; c’est alors que César Franck, frappé de la pénurie d’œuvres sérieuses en ce genre, s’attacha avec une ardeur toute juvénile, malgré ses soixante ans, à chercher l’adaptation des anciennes for-