Page:Dabit - L'hotel du nord, 1929.djvu/49

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à petites gorgées. Tout en grignotant une brioche, elles se regardent dans les glaces du comptoir, puis elles se maquillent avant de gagner la rue.

Louise les observe sans bienveillance : « Toutes des fricoteuses ! pense-t-elle. Elles feraient mieux de se laver que de se mettre de la poudre de riz ! » Quand la dernière est partie, elle ouvre toute grande la porte du café et, comme son mari s’étonne :

— Ça empeste ici !…

Dehors le quartier s’éveille. Les boueux ramassent à grands coups de pelle les ordures amoncelées à la lisière des trottoirs, les commerçants installent leurs éventaires, on entend monter le rideau métallique de la « Chope des Singes ».

Avant de gagner les chambres, Renée vide le poêle et balaie la boutique dont le carrelage est déjà souillé de mégots ou de crachats. Deux vieilles blanchisseuses qui travaillent au bateau-lavoir du quai de Valmy, la Berthe et la Félicie, commandent un petit marc pour « passer l’hiver sans crevasses ». Bientôt après arrivent les cochers de chez Latouche. Tous bons diables, mais gueulards ! Les plus jeunes posent aux gars « affranchis »