Page:Dabit - L'hotel du nord, 1929.djvu/50

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avec leur pantalon à patte d’éléphant, leur foulard tordu sur leur nuque rasée. L’un d’eux, Marcel, un beau gaillard qui fréquente les « rings », arbore comme un pavillon un jersey de sport et fume du tabac de luxe. À l’entendre, l’odeur du tabac anglais fait pâmer les femmes. Avec un accent traînard de Parisien, il se vante de ses conquêtes. Renée l’écoute, appuyée sur son balai, la bouche entr’ouverte, le regard perdu. Pourtant lorsqu’il vient lui pincer la taille, elle pousse un cri.

Louise, sans méchanceté, intervient :

— Dites donc, grand dégoûtant, on n’est pas au bal… Ma parole, ils ont tous le diable au ventre, ce matin.

Plus âgés, les camionneurs se passionnent pour la bouteille. Leur tenue est négligée, leur voix grasse ; presque tous deviennent brutaux. Ils nourrissent contre les chauffeurs une haine corporative, le perpétuel défi des trompes et des claksons les rend fous, et, s’il arrive qu’une auto les dépasse dans une montée, ils font payer cher cette défaite à leur malheureux attelage. Ils finissent par avoir des démêlés avec la police, démêlés dont ils ne se soucient guère car Latouche paie les contraventions.