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À ce souvenir, le père Deborger s’appuie plus lourdement sur la table. Aujourd’hui encore, le cœur lui fait mal et il ne comprend pas davantage pourquoi Marcelle l’a quitté.

… Sa vieille mère était venue habiter avec lui et les années s’étaient succédé, mornes, coupées de fêtes inutiles. Les copains l’avaient entraîné dans la politique ; on faisait de « vrais » premiers mai, alors. Enfin, un jour, il rencontrait Marie Dutertre.

Une jeune veuve. Elle servait dans le restaurant où il dînait depuis la mort de sa mère. Il aimait la retrouver, chaque soir. Une femme comme il lui en aurait fallu une, simple, dévouée. Il n’osait pas lui parler mariage. Il s’était enfin décidé et Marie Dutertre avait dit « oui ». Ils s’étaient mis en ménage, ils avaient cru, joyeusement, recommencer leur vie. Mais la même année, une fièvre typhoïde emportait Marie Dutertre.

Chaque dimanche, il allait fleurir la tombe où elle reposait. Seulement, les concessions ne durent que cinq ans ; un jour, il avait trouvé la fosse ouverte et il ne restait plus rien de Marie… qu’un nom…

Les lèvres du père Deborger ont un tremblement : « Marie Dutertre. » Comme elle