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Page:Dablon - Le Verger, 1943.djvu/176

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LE VERGER

humain ; lui ne le pouvait pas, il ne le pouvait plus. La pureté conquise aux prix de durs recommencements n’était plus seulement l’armure qui barde le corps, mais un feu émanant de son cœur, et elle brûlait de plus en plus, comme la passion, d’une flamme immatérielle qu’elle empruntait à l’amour. Il l’apprenait d’une femme aussi, cette pureté, d’une femme qui était la Mère de Dieu. Purifier le monde jusque dans ses recoins de conscience était peut-être une entreprise chimérique, dont Maurice souriait à bon droit, mais assainir de vastes portions d’humanité pour y planter des frondaisons jeunes et vigoureuses, voilà une tâche possible, grâce à Jésus-Christ, une tâche urgente ; amorcer l’entreprise par l’exemple quotidien et sans réserve du renoncement et de l’amour : résolution précise qui expulsait les chimères.


Jacques doublait le pas ; il fredonnait les thèmes héroïques du Concerto en ré et subissait une dernière fois le mirage de la musique. Il croyait heurter du pied la montagne sainte. Il avait en route sans trop s’en rendre compte laissé tomber la main de son guide ; il n’éprouvait pas même le besoin d’écrire à Noël. Saint-Denis lui ressassait qu’on ne fait pas les héros avec de bons sentiments dérobés aux livres ; Jacques s’obstinait à voir en Saint-Denis un prophète de malheur. Le Père Vincent ne laissait pas d’être inquiet. Car il restait à Jacques une leçon à prendre, celle de l’humilité, et une phrase de l’Évangile à méditer à l’instar de son Père Spirituel : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis. »