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LE VERGER

ses larmes roulent dans les yeux du jeune missionnaire et brillent sur ses joues terreuses. On entonne l’Ave Maris Stella, et le train glisse entre les versets de l’hymne que des centaines de voix clament mâlement sur un mode triomphal. On a vu, par une glace, Jacques qui envoyait la main à ses amis et, à sa mère, des baisers au bout des doigts.

Jésus-Christ compte trois missionnaires de plus.

Jacques ouvre une enveloppe que Monique lui a remise tout à l’heure. C’est l’écriture de Maurice. Il sort une carte où l’on a biffé les noms de Monsieur et Madame Legendre et écrit à la plume : « Estelle et Maurice ; à Jacques, notre ami ; écrirons à Vancouver » ; puis un chèque qui porte la signature de Maurice (Maurice a toujours été prêt de ses sous, Jacques se le rappelle avec un brin d’émotion). Enfin une seconde enveloppe, adressée à Maurice, et qui présente sous la suscription : « Remettre à Jacques le jour de son départ, Noël A., des P. B. »

Jacques tourne et retourne entre ses doigts ces papiers venus de loin, du plus profond de leur jeunesse.

Il a renoncé à la terre et la terre le porte.

Il est heureux malgré les larmes qui tremblent au bout de ses cils. Comme il lui reste une heure de bréviaire à réciter, il se réfugie dans cette allée solitaire ; il pénètre dans les conseils de son Maître :

Le malheur ne viendra pas jusqu’à toi,
Aucun fléau n’approchera de ta tente.
Car il ordonnera pour toi à ses anges
De te garder dans toutes tes voies.