Page:Dablon - Le Verger, 1943.djvu/47

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Ils s’étaient engagés sous les saules, entre les plants de capucines ; la retraite devenait impossible. Le troglodyte sémillant s’abandonnait à l’ivresse de ses vocalises dans le sureau, et chansonnait ce grand garçon qui baissait la tête comme un collégien pris en faute. Ils franchissaient le vestibule, et pénétraient dans le vivoir au parquet luisant et qui sentait l’encaustique.

Estelle se dirigea vers la chambre de sa mère tandis que Louise enlevait son chapeau de soleil. Elle se retourna. Jacques balbutiait une parole aimable à l’adresse des décoratrices ; ses mains stupides fourrageaient la portière derrière lui, car la jeune fille, remarquant soudain l’absence d’Estelle, faisait mine de replacer des journaux et les pivoines sur le guéridon, et perdait la maîtrise de ses doigts sous les fleurs ; ses yeux craintifs cherchaient une figure amie dans la pièce déserte. Par bonheur Estelle revenait avec sa mère.

— Jacques Richard, dit la petite femme en le dévisageant, venez un peu dans la lumière.

Et fichant dans les broussailles grises de sa tête les grosses montures de ses lunettes, elle l’entraîna. Jacques, empourpré, gagnait la porte-fenêtre aux cretonnes assorties. Louise tenait dans l’ombre son visage brûlant, et n’entendait pas Madame Beauchesne qui disait :

— Non, mais est-ce qu’il ressemble à sa mère !

Ils se retournèrent. Éventant de son chapeau son crâne bosselé, Monsieur le notaire Beauchesne entrait. Il portait l’air placide d’un homme qui trouve à la vie une saveur modérée. En pleine lumière, soumis