Page:Dablon - Le Verger, 1943.djvu/73

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— Demain, Mimi ? demanda Maurice, sans se retourner.

Mais on savait qu’il souriait. Madame Legendre soupira. Elle n’aimait guère Noël Angers, à cause de Mimi surtout.

Le cheval obliqua vers la gauche, s’engagea dans un chemin de desserte bordé de souches noires et disparut dans le long crépuscule du nord. Le chef de gare, les poings aux hanches, écoutait le cri-cri des bandages d’acier sur le sable et, par saccades, la voix aigrelette de la Princesse aux cheveux d’or.

On arriva chez Ado. La voiture remisée, le guide organisa son monde.

— Les petits jeunes gens, voici votre butin !

De son chapeau tendu au bout du bras, il leur indiquait leur part : deux havresacs et quatre sacs de voyage.

Pendant le trajet de la station à la maison d’Ado, Jacques n’avait pas trouvé un mot. Il aspirait à pleins poumons l’odeur de la montagne, l’attirance des pays nouveaux et la promesse d’aventures insoupçonnées. Encore tout fier de sa révolte, la botte posée à plat sur une pierre, il croyait que le monde lui appartenait.

Les conquêtes de la violence ont peu de durée. Un brin de mil entre les dents, le jeune homme sent remuer au fond de lui un malaise qu’il connaît bien pour l’éprouver chaque fois qu’il laisse, serait-ce pour une nuit, sa chambre du Verger. Le malaise, ce soir, fait tache autour de lui comme les amoncellements de pierrailles et la horde des résineux au fond du défriché. Il observe la forêt, les abatis qui le cernent, les choses, les êtres, Maurice, son ami, mués en