Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/412

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« De tout l’univers, je suis la plus grande pécheresse. Vis-à-vis du monde, je n’ai plus le moyen d’effacer jamais le titre honteux d’esclave de la préfecture de Piek-tong : vis-à-vis de Dieu, j’ai cent fois par mes péchés renié ce divin Maître et ses bienfaits ; toutefois si, finissant bien, je venais à être martyre, en un instant tous mes péchés seront effacés, et j’entrerai dans le sein de dix mille bonheurs ; y a-t-il là de quoi s’affliger ? Entre le titre de sœur d’une esclave de préfecture et celui de sœur d’une martyre, lequel vous sourit le plus ? Et vous, ma mère, si on vous appelle mère d’une martyre, que penserez-vous de ce titre ? Si moi je parviens à être martyre, ne sera-ce pas un incomparable prodige ? Pour les autres saints, c’est chose convenable et bien méritée ; mais qu’un honneur si élevé soit accordé à une misérable créature telle que je suis, y a-t-il rien de plus capable de confondre ?

« Regardez ma mort comme une vraie vie, et ma vie comme une véritable mort. Ne vous affligez pas de ma perte, mais affligez-vous de la perte de Dieu dans le passé, et craignez de le perdre de nouveau. Gardez toute espèce de regret pour pleurer le passé, et efforcez-vous de l’effacer et de le racheter. Appuyées sur la sainte Mère et mettant votre cœur en paix, efforcez-vous de devenir le trône du Seigneur. Si vous vous soumettez paisiblement à cet ordre de Dieu, vous suivrez par là son intention qui est de vous purifier par la douleur, et lui-même vous chérira et vous consolera. Vous avez là une belle occasion d’obtenir ses grâces les plus précieuses et d’acquérir des mérites. Si, au contraire, vous affligeant inutilement, vous en veniez à offenser ce même Dieu, y aurait-il rien de plus déplorable ?

« En toutes choses donc, soumettez-vous à sa providence, et d’un cœur calme profitez de votre affliction pour satisfaire entièrement à sa justice. Livrez-vous à la pratique du bien et à l’acquisition des mérites ; quelque léger que soit un défaut, évitez-le comme un grand péché, et regrettez-le de même ; pour la pratique du bien, au contraire, quelque petit qu’il paraisse, ne négligez pas l’occasion de le faire. Appuyez-vous entièrement sur le secours de Dieu, demandez souvent la grâce d’une bonne mort ; efforcez-vous toujours de produire des actes d’amour fervent. N’auriez-vous aucun amour, aucune contrition, efforcez-vous de les faire naître ; quand on les demande instamment, Dieu les donne. Si vous vous êtes relâchées quelques instants, réveillez-vous aussitôt ; et si vous cherchez Dieu avec ardeur, peu à peu vous vous rapprocherez de lui. Si Dieu, comblant mes désirs, me fait jouir de sa présence, et que frères et sœurs, mère et filles, nous nous ren-